La radioprotection dans la pratique dentaire

ADOPTED by FDI General Assembly September, 2014 in New Delhi, India

Introduction

La radiographie est un outil de diagnostic indispensable en dentisterie car elle permet la détection et le suivi des maladies et des anomalies dentaires. Or, l'exposition aux radiations ionisantes peut entrainer des risques pour la santé. Les effets secondaires des radiations ionisantes sont classés selon deux types : les effets déterministes et les effets aléatoires. Les effets déterministes se caractérisent par un niveau de seuil en deçà duquel aucun effet indésirable sur la santé ne se produit, en revanche, leur gravité augmente avec la dose. Or, certains ont avancé que la cataracte, qui est un effet déterministe typique sur l'oeil, pourrait être causée par des doses plus faibles que celles précédemment annoncées.1 Les effets aléatoires, notamment la cancérogénèse, résultent d’effets indésirables sur l’ADN.1 La méthode adoptée pour l’évaluation des risques au niveau international est le modèle Linéaire sans seuil (ou LNT en anglais) qui fait l’hypothèse d’une relation linéaire dose-effet entre l’exposition et le risque dès la dose 0.1Au-delà d’une dose de 100 mGy, on a montré que la relation dose-effet était linéaire. En deçà de cette dose, il n’existe aucune preuve directe d’un risque accru.

Dose effective

Les doses de radiation émises pour l'imagerie dentaire courante varient beaucoup. Elles peuvent être d'environ 1,5 µSv pour les radiographies intra-orales et aller de 2,7 à 24 µSv pour les radiographies panoramiques.2 La fourchette des doses émises pour la tomographie volumétrique à faisceau conique (CBCT, Cone Beam Computed Tomography) peut être beaucoup plus importante : de 11 à 1073 µSv.2 Du fait de cette grande disparité, les dentistes doivent choisir leur matériel d'imagerie avec beaucoup de circonspection. Une attention toute particulière doit être apportée aux enfants car ils sont par nature plus sujets aux risques des radiations que les adultes.3,4 Cette déclaration de principe a pour objectif d'aider les dentistes à optimiser la protection et à préserver la valeur diagnostique de leurs radiographies tout en minimisant le risque d’exposition des patients, des opérateurs et du public.5 Des critères spécifiques de sélection ont été définis afin d’aider les dentistes à évaluer la nécessité des radiographies.6-8 Les femmes enceintes ne doivent pratiquer des radiographies dentaires que lorsque cela est spécifiquement indiqué pour des soins dentaires indispensables. Les radiographies pour les enfants doivent être faites judicieusement du fait d’une sensibilité aux radiations 32 fois supérieure à celle des adultes.

Justification de l’exposition aux radiations

La justification est le principe selon lequel un dentiste doit déterminer si le patient est susceptible de tirer profit de l'exposition à une radiographie de diagnostic quand une radiographie doit être pratiquée. Il doit être procédé à un examen initial clinique pour déterminer le besoin d’une radiographie de certaines ou de l’ensemble des zones supportant des dents et des tissus durs. Il peut être nécessaire de procéder à des radiographies dans le cadre des examens de contrôle ou des examens périodiques pratiqués pour surveiller la présence de lésions carieuses et d’autres pathologies dans les zones non cliniquement accessibles par vue directe. La fréquence de ces examens varie d’un patient à l’autre selon son âge, ses antécédents de caries, son hygiène bucco-dentaire, ses antécédents de traitements parodontaux ou endodontiques et d'autres facteurs.

Optimisation de l’exposition aux radiographies

L’optimisation est le concept selon lequel une radiographie doit présenter une qualité diagnostique suffisante, en maintenant le niveau d’exposition pour le patient aussi bas que le diagnostic le permet (concept ALADA)9. Il est important de noter que la plupart des moyens pour réduire l’exposition du patient diminuent également l’exposition du personnel dentaire.

Déclaration

Le niveau d’exposition aux radiations par les radiographies dentaires est généralement faible mais peut être beaucoup plus élevé en cas de CBCT. Les radiographies ne doivent être faites que lorsque l’on pense que le résultat du diagnostic affectera les soins au patient. Lorsqu’on effectue une radiographie, tous les moyens possibles doivent être mis en oeuvre pour réduire l'exposition aux radiations, sans gêner le diagnostic.

Moyens permettant aux cabinets dentaires de minimiser l’exposition aux radiations

Justification de l’exposition L’exposition devrait produire des informations diagnostiques qui auront une influence sur les soins au patient.
Récepteurs d’images

Film : utiliser la plus grande vitesse disponible – actuellement F-speed. Le film doit être traité selon les instructions du fabricant et jamais « développé à vue ». Une lampe adaptée et sécurisée doit être utilisée.

Numérique : Les récepteurs CCD (Charged Couple Device, dispositif à transfert de charge), CMOS (Complementary metal-oxide semiconductor, semi-conducteur à oxyde de métal) et les plaques de phosphore sont acceptés pour le stockage.

Supports de récepteurs À utiliser pour optimiser l’alignement et minimiser les expositions répétées.
Collimation du faisceau

Pour les radiographies intra-orales, limiter le diamètre du faisceau sur le visage du patient à 6 ou 7 cm ou moins3* et de préférence avec une collimation rectangulaire.

Pour toutes les autres radiographies, limiter le rayon à la zone faisant l’objet de l’investigation.

kVp, mA & temps d’exposition

Pour les radiographies intra-orales, utiliser de préférence 60 à 70 kVp pour optimiser le contraste et réduire la dose en profondeur. Réduire si possible le temps d’exposition et/ou les mA.

Utiliser si possible du matériel pourvu d’une fonction de contrôle automatique de l’exposition. Si ce n’est pas possible, utiliser des diagrammes techniques ou tout autre moyen adapté pour minimiser les surexpositions ou les sous-expositions.

Protection des opérateurs Les opérateurs doivent se tenir hors du faisceau primaire, à au moins 2m de la source et derrière une barrière protectrice à chaque fois que possible.
Unités portatives Lorsque cela est permis, les unités portatives doivent être stockées dans un local verrouillé lorsqu’elles ne sont pas utilisées et elles doivent toujours être utilisées avec un écran de protection et tenues proches du visage.
CBCT Lorsque cela est approprié et lorsque les techniques à faible émission ne sont pas suffisantes, utiliser le plus petit champ visuel possible permettant de répondre à la question clinique posée ainsi que des procédures permettant de minimiser les doses telles qu’une exposition par demi-cycle. Les images de radiologie dentaire peuvent devoir être interprétées par un radiologue spécialisé en santé bucco-dentaire et maxillo-faciale.
Protection du patient Utiliser à chaque fois que cela est possible des tabliers en plomb et un cache thyroïde*.
Assurance qualité Des protocoles doivent être mis en place et respectés afin d’évaluer l’intégrité du matériel de radiographie, du matériel de développement des films, des récepteurs d’images digitales, des cassettes panoramiques et des chambres noires.6
Visualisation des images Les radiographies doivent être examinées sur des visionneuses (films) ou des moniteurs (numériques) adaptés et de qualité dans un environnement sombre.
Enseignement et Formation Les personnes manipulant du matériel de radiographie doivent avoir suivi un enseignement, reçu une formation, et être titulaires d’une certification adéquats.

*Note : la réglementation nationale ou locale peut s’appliquer

Références

  1. Commission internationale de protection radiologique. Les recommandations 2007 de la Commission internationale sur la protection radiologique. Annales de l'ICRP; 2007.
  2. Commission européenne. Radiation Protection No. 172: Cone Beam CT for Dental and Maxillofacial Radiology. 2012.
  3. UNSCEAR. Sources, effects and risks of ionizing radiation. Scientific Annex B. Effects of radiation exposure of children. New York: United Nations; 2013. Available at: http://www.unscear.org/docs/reports/2013/UNSCEAR2013Report_AnnexB_Childr... 87320_Ebook_web.pdf
  4. Kleinerman RA. Cancer risks following diagnostic and therapeutic radiation exposure in children. Pediatr Radiol 2006;36 Suppl 2:121-125.
  5. White S, Mallya S. Update on the biological effects of ionizing radiation, relative dose factors and radiation hygiene. Aust Dent J. 2012;57 Suppl 1:2-8.
  6. Commission européenne. Radiation Protection 136 - European guidelines on radiation protection in dental radiology; the safe use of radiographs in dental practice. European Commission 2004.
  7. American Dental Association Council on Scientific Affairs. Dental Radiographic Examinations: Recommendations for Patient Selection and Limiting Radiation Exposure; 2012. Available at: http://www.ada.org/~/media/ADA/About%20the%20ADA/Files/dental_radiograph...
  8. Guideline on Prescribing Dental Radiographs for Infants, Children, Adolescents, and Persons with Special Health Care Needs.http://www.aapd.org/media/Policies_Guidelines/E_radiographs.pdf
  9. ALADA was proposed by Dr. Jerrold Bushberg at the 2014 NCRP Annual Meeting as a variation of the acronym ALARA (as low as reasonably achievable) to emphasize the importance of optimization in medical imaging.

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